Pour comprendre certaines œuvres il faut savoir que ce sont des paysages vu au travers d’une fenêtre.

Pour le reste reportons nous aux explications du Peintre Henri Cueco sur sa façon de concevoir et de travailler.

 

LES HERBES

J’ai commencé ce travail en 1976. J’ai fait un dessin qui a duré tout l'été, je n’en sortais pas de ces. quelques mètres carrés d'herbe et je ne vois toujours pas comment j’en sortirai. J’avais envie de repartir è zéro, de voir, de revoir directement les choses. Il se trouve qu’à ce moment-là, autour de moi, c'était de l'herbe. L’herbe de mon atelier limousin. Ce que je vois au ras des pieds quand la porte coulissante est ouverte. Ce n'est ni du gazon ni une herbe sauvage, c’est une herbe ordinaire de n'importe où. Je l’ai vue comme un objet simple, terriblement complexe en fait, passionnément indifférent.

 

Non l’herbe n’est jamais verte. Blanche, rouge, jeune, noire, bleue. Les croisements de hasard, les harmoniques font la couleur. Je ne peints pas la surface des objets, parfois je ne m’intéresse qu’aux limites. Le dessin c’est alors la frontière entre l’objet et le vide. La ligne n’existe plus, elle n’appartient ni à l’objet ni au vide, elle est des deux et d’aucun. Je contrains la ligne à dire le plan, sa charge colorée, son existence incise ou floue, son rapport au plein et au vide. C’est littéralement du dessin en couleur. La couleur est rabattue sur le trait. Les manques, les blancs, c’est du silence, cette liberté offerte à celui qui écoute ou qui regarde : un temps pour moi, une mesure pour lui. C’est sa grâce et c’est l’honnêteté du peintre. Ce qu’il ne voit pas il le laisse en blanc.

 

Je commence au centre d’immenses feuilles de papier dont je ne vois pas les bords. Dessin ou peinture, un jour, vont pourtant rencontrer leur limite, faire leur cadre.0 Ayant touché ce bord, ayant fini d’étaler du temps, je creuse alors sur place. C’est ça le carottage du temps, je m’enfonce dans la paroi, je vais chercher le vide.

 

Extrait d’un entretien avec Valère Bertrand, catalogue Pavillon des Arts 1985.

 

Ses amis attendent Henri Cueco !